Grâce à des bénévoles acharnés, l’expertise de Lara Grandgirard (WWF) et de Patrick Röschli (Karch) ainsi qu’une bonne dose de patience, un plan d’eau a été creusé dans le jardin-maraîcher de La Rochette. Presque une année après les premiers coups de pelle, voici un compte-rendu des étapes ayant permis la création d’une mare aujourd’hui pleine de vie.
Amphibiens, reptiles, insectes mais aussi oiseaux et autres mammifères… C’est à toutes les petites et grandes créatures de notre coin de pays que nous avons pensé lorsque nous avons choisi de consacrer une partie du terrain-maraîcher au creusement d’une mare. Notre objectif : aménager un biotope humide et fournir de l’eau libre à tous les intéressés, qu’ils souhaitent y vivre, y pondre ou simplement y boire, améliorant ainsi la biodiversité du lieu. Cette démarche n’était pas totalement désintéressée, car saviez-vous que bon nombre des habitants des mares apprécient grignoter certains ravageurs de nos précieux légumes ? Il s’agirait donc d’un échange de bons procédés. Encore fallait-il trouver comment faire, nous qui ne sommes aucunement spécialistes en la matière.
Choix de l’emplacement
Après avoir soigneusement observé le terrain, nous avons choisi de placer la mare dans le bord Nord-Est de la parcelle : cet emplacement, souvent inondé par le ruisseau qui court à l’Est et au Nord, présageait un apport d’eau durant toute l’année. Et puis, c’était une belle façon d’utiliser une zone où cultiver aurait nécessité des aménagements (buttes, drainage) qui ne nous disaient rien qui vaille, sur un périmètre par ailleurs partiellement protégé (le fameux « périmètre réservé aux eaux »).
Une mare sans bâche
Une fois le permis de construire en poche, nous avons fait appel au WWF pour nous aiguiller dans la conception détaillée du plan d’eau. Lara Grandgirard, biologiste responsable du projet Connexions naturelles, a d’emblée été séduite par le projet : « Les plans d’eau sont devenus tellement rares dans les zones cultivées, que votre mare sera d’une grande importance ! », nous a-t-elle annoncé. Compte tenu de la nature souvent marécageuse de la zone et grâce à un sol relativement argileux, nous avons choisi de tenter un petit rêve : entretenir le plan d’eau sans y mettre aucune bâche plastique, aidant bien entendu l’implantation de la vie aquatique de toute sorte. Oui, mais… Selon les conseils de Lara, cela ne serait possible que si de l’eau libre, même en petite quantité, subsistait dans la mare depuis le printemps et jusqu’à fin juillet, permettant aux organismes indigènes de réaliser leur cycle de reproduction complet. Qu’à cela ne tienne, nous nous sommes engagés à observer la mare tout au long de l’année afin, si besoin, d’installer une bâche par la suite.
Jour 1 : creusement
En avril 2023, coachés par Lara venue pour l’occasion, équipés d’une pelle mécanique maniée par Joan Studer, exploitant du terrain et associé de La Rochette, nous avons entrepris de creuser la mare. En une matinée, c’était fait ! Grâce à l’expertise de Lara, plusieurs profondeurs ont été aménagées afin de créer différents biotopes. Ravis, nous avons néanmoins éprouvé un pincement au cœur : après tous ces travaux, la prairie d’herbe grasse s’était à cet endroit transformée en grand chantier plein de traces de pneus et tout retourné. Lara nous a rassurés : très vite, la vie allait s’installer autour et dans la mare, la rendant belle et accueillante.
Jour 2 : aménagement
Après cette première journée de travail, il restait encore de quoi faire. Le terrain étant légèrement en pente, une « digue » a été installée du côté Ouest de la mare afin de réduire l’écoulement naturel de l’eau par ses berges. Ceci a été rendu possible grâce au soutien de bénévoles acharnés qui, durant toute une journée, ont déplacé à la brouette (he oui !) pas moins de la moitié de la terre excavée lors du creusement de la mare. D’autres bénévoles tout aussi motivés ont aidé à disposer des tas de bois autours du plan d’eau afin de créer des abris naturels tout en la protégeant des chiens trop entreprenants. Pour concevoir ces abris, nous avons bénéficié des conseils de Patrick Röschli, représentant du Karch (association d’étude des amphibiens et de reptiles de Suisse) venu nous prêter main forte. Croirez-vous que seulement quelques jours après son installation, il a tellement plu que la mare a débordé de toutes parts ? Grâce à la précieuse digue, les bords du plan d’eau n’ont pas souffert ni cette fois-ci, ni lors des autres inondations.
Suivi, patience et émerveillement
Une fois tous ces travaux réalisés, nous avons patiemment observé l’évolution de la mare. Malgré un été sec et quelques frayeurs, un fond d’eau « libre » était présent dans la partie la plus profonde jusqu’au milieu du mois d’août. Selon l’expertise de Lara, le pari est gagné : il n’y aura pas besoin de bâche pour étanchéifier la mare ! Au fil des ans, il faudra toutefois l’entretenir pour éviter qu’elle ne se bouche, en endiguant son invasion par les roseaux et, environ tous les 5 ans, en retirant le trop-plein de vase. Cette dernière devra alors être mise à « sécher » quelques jours aux abords de la mare afin de permettre à tous les organismes y vivant de migrer à nouveau dans le plan d’eau, puis nous pourrons l’utiliser comme engrais naturel.
Après bientôt une année depuis le premier coup de pelle, nous sommes émerveillés par toute la vie qui s’y est déjà installée. Les berges sont complètement enherbées, des oiseaux se perchent volontiers un peu partout sur les tas de bois entourant le plan d’eau, quelques crapauds ont été aperçus dans le jardin, des libellules de-ci de-là… Nous espérons observer cette année les premières couvées d’amphibiens et, pourquoi pas, voir pousser quelques plantes aquatiques disséminées depuis la roselière protégée qui se trouve un peu plus loin ?
Au moment d’écrire cet article, la mare est presque totalement gelée hormis à son extrémité Est où un flux d’eau constant y coule. Lorsque je suis allée prendre quelques photos, un rouge-gorge est venu me dire bonjour. À vous qui avez lu ces lignes, je vous transmets ses salutations !
Claudine




