La saison de distillation touche à sa fin, l’alambic est rangé jusqu’au printemps prochain. On vous raconte les plantes, leur récolte et leur distillation…
Sauge. Milieu du mois de mai. L’alambic, après sa pause hivernale, a été soigneusement nettoyé par une passe à vide. La sauge est en fleurs et il convient de la distiller afin de créer l’hydrolat dont Agathe et Claudine ont besoin pour leur production. Une question se pose : peut-on, comme la littérature le propose parfois, distiller la plante sèche ? Elles font des essais. Le verdict est sans appel : distiller la plante fraîche permet d’obtenir un hydrolat floral à la senteur bien plus printanière que l’hydrolat de plantes sèches, plus « herbacé ».
Roses. L’alambic a à nouveau été nettoyé par une passe à vide afin d’éviter toute contamination d’odeur dans l’hydrolat de roses, très fin. Début juin, Claudine trépigne car les rosiers commencent à faire des boutons mais ne semblent pas pressés. Or, la distillation des roses demande beaucoup de soin et il faut se tenir prêt. Pour que leur senteur soit aussi fraîche et puissante que possible, il faut impérativement les récolter tôt le matin et les distiller par petits lots. Tous les jours, même s’il n’y a que quelques roses, Claudine les récolte, retire le calice pour ne garder que les pétales, puis distille. Agathe lui prête main forte mais Claudine monopolise la récolte, car c’est son dada. Elle adore les regarder et les humer, au petit matin, s’émerveillant de leurs odeurs, de leurs formes et de leurs couleurs. Parfois, elle en mange quelques pétales pour voir, mais ce n’est pas très bon. Les roses font rêver… L’aquarelliste professionnelle Gaëtane Nicoulin « Fleurs poudrées » vient assister à une distillation. Un peu étonnée, elle constate à quel point l’hydrolat, au sortir de l’alambic, est presque épicé et n’a pas l’odeur à laquelle on s’attendrait. Après environ 20 jours passés à distiller chaque matin, Claudine finit par en avoir un peu assez et se réjouit presque que la saison des roses se termine. Toutes les bonnes choses doivent avoir une fin pour qu’elles nous manquent à nouveau.
Sureau. Pour ses propriétés thérapeutiques, le sureau de nos campagnes est extrêmement précieux. Les rameaux fleuris sont distillés avec soin, récoltés au son des cloches des vaches Salers de chez Joan et Joana Studer, paissant dans le prés d’à côté. Chaque année, les récolteuses sont couvertes de pollen. Les fleurs de sureau, regroupées en corymbes rappelant une couronne de mariée (ou de jeune fille !), ont une couleur ivoire qui fait penser au paradis.
Mélisse. Son odeur n’est pas très forte, pourtant la mélisse a tant à offrir. Elle doit impérativement être récoltée avant la floraison car, ensuite, son odeur change et devient peu citronnée voire désagréable. Certains diront qu’il n’y a pas de différence… Mais Claudine aime bien que l’hydrolat ait « exactement la bonne odeur ». Subjectif, direz-vous, et c’est certainement vrai. L’important est alors pour l’herboriste de créer un hydrolat qu’elle jugera efficace et parfait, dans les limites de son imperfection à elle, humaine cherchant à comprendre le langage secret des plantes.
Ortie. L’ortie se récolte en pleine floraison, elle est alors d’une vitalité exceptionnelle. Les plantes mâles autant que les plantes femelles sont utilisées. Leur hydrolat a l’odeur typique de la soupe à l’ortie, que certains associeront aux repas chez grand-mère. Dépourvu d’huiles essentielles, il contient toutefois des petits dépôts qu’il convient de filtrer. Afin d’assurer sa conservation, l’hydrolat d’ortie doit être flaconné immédiatement après distillation.
Tilleul. Début juillet. La floraison du tilleul ne doit pas être loupée car elle ne dure qu’un ou deux jours. Ouf, la pluie n’est pas de la partie lorsque les fleurs du grand arbre éclosent. La récolte est longue et le doux bruit des abeilles invite à la somnolence. Il ne faut pourtant pas traîner car la distillation ne peut attendre. L’hydrolat ainsi obtenu a la senteur d’un après-midi de printemps sous le tilleul…
Cassis. Il suffit de toucher, en passant, la branche d’un cassissier pour que l’odeur si agréable de la plante se répande autour du jardinier. La récolte est ainsi un plaisir tout autant qu’une source d’inquiétude, car on récolte les rameaux de l’année, jeunes et très parfumés. Il faut en laisser suffisamment pour assurer une bonne croissance de la plante, bien observer tous les rameaux, couper ceux qui se croisent ou ne vont pas dans la direction souhaitée, tout cela en imaginant la forme finale de l’arbuste à l’automne, afin de prévoir la taille de l’hiver et le tournus de récoltes entre les différents plants dans les années à venir. Un casse-tête qui en vaut la peine : l’hydrolat offre un parfum d’une senteur si fruitée qu’on a l’impression de boire l’arbuste.
Camomille matricaire. C’est le temps de la distillation de la camomille matricaire. Observer son hydrolat couler est un vrai plaisir. À chaque fois, on s’étonne de sa couleur, l’huile essentielle intensément bleue perlant à la surface de l’hydrolat. Son odeur, floral et terreuse, rappelle la Terre Mère, comme un cocon creusé dans le sol où, couché en boule, l’on se sentirait en sécurité éternelle.
Lavande vraie. L’ambiance est différente avec la lavande. Elle est récoltée juste après le passage des abeilles et avant que les fleurs sèchent. Après la récolte, on fait pré-faner les fleurs quelques jours sur un grand drap propre, puis on distille en s’émerveillant, comme chaque année, de l’incroyable senteur de cette plante pourtant si connue.
Monarde. La monarde a des propriétés assez semblables à l’origan, sans les effets indésirables de ce dernier. Elle est récoltée en pleine floraison. Claudine, comme toujours, ne peut s’empêcher d’en grignoter quelques fleurs, appréciant leur goût piquant rappelant à s’y méprendre le poivre. La plante produira cette année beaucoup d’huile essentielle. Connue pour ses propriétés cosmétiques, Claudine l’utilisera pour ses soins de la peau… Avant de constater qu’elle lui provoque une sensation de brûlure intense. Est-ce l’huile essentielle des plantes de La Rochette qui est particulièrement forte, ou Claudine a-t-elle développé une saturation après avoir si souvent mangé et récolté la plante ? Nul ne le sait.
Echinacée pourpre. Regardée « droit dans les yeux », la fleur de l’échinacée donne le tournis par sa forme géométrique parfaite. On a quelques remords à la récolter alors que les papillons s’en régalent, formant de vrais nuages autour de la culture. La question demeure : quelle odeur aura l’hydrolat d’échinacée ? Carole Gelin, venue donner un coup de main, dit que cela rappelle la terre, la plante, l’herbe. Claudine trouve que cela sent le poisson. Heureusement, l’hydrolat sera mélangé avec d’autres dans la synergie « Force », précieux soutien pour le corps en manque d’énergie.
Menthe poivrée. Juste après l’échinacée, Carole enchaîne avec la distillation de la menthe poivrée, récoltée tôt le matin. Une fois la distillation terminée, il est étrange de constater que la menthe, d’abord si odorante, ne sent plus que la plante bouillie. Toute son essence est allée dans l’hydrolat, comme si la distillation, et Carole, avaient capturé son essence dans l’hydrolat. C’est probablement vrai. L’eau a de la mémoire, dit-on, et l’hydrolat de menthe contient toute celle de la plante et de toutes les menthes avant elles.
Camomille romaine. La pomme, voici son étonnante odeur. Ha, comme elle sent bon ! Elle est aussi incroyablement relaxante, permet de dénouer les nœuds qui font mal au ventre et à l’âme. La distillation de la camomille romaine est toujours un plaisir. Agathe et Claudine hésitent à la récolter car la météo s’annonce très chaude les jours suivants. Mais elles font confiance aux plantes et récoltent, distillent, puis arrosent avec l’eau du ruisseau, pleines de gratitude.
Tulsi la déesse. Le basilic sacré, aussi appelé Tulsi, est pour les hindous une déesse vivante. À la regarder, à la côtoyer, à la manger, à la respirer, on comprend pourquoi. Tulsi est tout simplement envoûtante. Ses précieuses propriétés thérapeutiques sont si nombreuses qu’on en a le tournis. Carole et Claudine ne peuvent s’empêcher d’essayer une distillation. Le résultat est tel que la décision est prise ni une ni deux : l’an prochain, l’hydrolat de Tulsi fera partie de la production de La Rochette.
Sauge. Début septembre, la sauge est distillée une seconde fois, offrant un hydrolat extrêmement floral et frais, étonnement plus encore que celui du printemps. La saison aura débuté avec la sauge et terminé avec elle. Quelques jours après cette dernière distillation, la météo se dégrade, il fait froid et il pleut beaucoup. C’est maintenant l’automne. L’alambic est nettoyé, séché, rangé. Avec gratitude, l’équipe de La Rochette remercie le jardin et les plantes pour tous ces incomparables moments en leur compagnie. Elle se réjouit de mettre les précieux hydrolats en flacons pour se trouver à nouveau projetées en pensées et en odeurs au milieu des fleurs, un beau jour d’été…






Très agréable à lire, poétique et humouristique.
C’est très beau ce suivi des plantes. Merci à l’équipe de la Rochette et vive le vivant !
Les plantes sont inspirantes 🙂 Oui, vive le vivant !
Bravo ! On croirait se trouver au royaume de la poésie en compagnie des fleurs vêtues de clochettes … il ne manque plus que d’ajouter de la musique, je l’entends d’ici ! ❤️❤️❤️
Merci Ginny 🙂